Patients concernés
En France, ce sont 2 millions de personnes qui sont touchées par la dénutrition.
Elle concerne tous les âges : les personnes vivant avec une pathologie (cancers, maladies neurodégénératives, etc.), les personnes hospitalisées (20 à 40% des adultes et 1 enfant hospitalisé sur 10) et tout particulièrement les personnes âgées vivant à leur domicile ou en EHPAD.
D’après les flyers du Collectif de lutte contre la dénutrition
Enjeux
Le pharmacien joue un rôle important, à la fois dans le repérage, la prévention et dans la prise en charge de la dénutrition de ses patients.
En pratique
Le rôle du pharmacien : de l’alerte à l’accompagnement
Prévention :
Au quotidien, le pharmacien peut conseiller le patient sur son alimentation pour qu’elle soit riche et diversifiée, tout en étant adaptée à ses goûts et habitudes. Il peut participer à la lutte contre les idées reçues autour de l’alimentation de la personne âgée.
En vieillissant, les besoins nutritionnels ne diminuent pas et les besoins protéiques sont même accrus. Pourtant, 1 Français sur 2 pense que les personnes âgées ont besoin de manger moins de viande ou qu’il est normal de maigrir en vieillissant (sondage IFOP 2023 pour le Collectif de lutte contre la dénutrition).
Au besoin, le pharmacien peut orienter le patient vers son médecin traitant ou un diététicien.
La prévention de la dénutrition passe également par le conseil d’une activité physique quotidienne adaptée et le maintien d’une bonne hygiène bucco-dentaire avec des bilans réguliers chez le dentiste.
Diagnostic :
Le diagnostic de la dénutrition repose sur l’association d’un critère phénotypique (perte de poids, indice de masse corporelle inférieur aux normes pour l’âge, réduction de masse et/ou de force musculaire) et d’un critère étiologique (réduction de la prise alimentaire, absorption réduite, situation pathologique). Les facteurs déclenchants ou aggravants la dénutrition peuvent être multiples et intriqués : d’ordre pathologique, psychologique ou social.
Cf. fiches pratiques de la SFNCM pour aider à diagnostiquer la dénutrition – Recommandations HAS 2021
Repérage :
À l’officine, les signes d’alerte évocateurs d’une dénutrition peuvent être mis en évidence :
- perte de poids,
- perte d’appétit,
- difficultés à s’alimenter ou encore faiblesse musculaire.
Il est important d’échanger avec les patients, en particulier âgés ou atteints de pathologies, sur leur poids (et si possible de les peser !) et sur leur alimentation. En cas de suspicion de dénutrition, le patient doit être incité à consulter rapidement son médecin traitant.
Prise en charge :
Conformément aux recommandations de la Haute Autorité de Santé, la prise en charge nutritionnelle de la dénutrition dépend du degré de sévérité de la maladie et du niveau des apports spontanés. En cas de dénutrition faible ou modérée, elle débute, en première intention, par des conseils nutritionnels et/ou un enrichissement de l’alimentation :
Privilégier les aliments riches en protéines, en consommer tous les jours
- Viandes/œufs (1 à 2 fois par jour), poisson (2 fois/semaine) ;
- Produits laitiers (3 à 4 portions/jour) ;
- Légumes secs : lentilles, haricots blancs/rouges, pois chiche (2 fois/semaine minimum).
Favoriser le plaisir de manger
- Éviter les restrictions et les régimes (sauf indication médicale, à réévaluer régulièrement) ;
- Adapter la texture aux capacités du patient.
Fractionner l’alimentation
- 3 repas et collation(s), en particulier en cas de perte d’appétit
Enrichir l’alimentation
- Avec des produits riches en énergie (crème fraîche, beurre, huile) ;
- Avec des produits riches en protéines (produits laitiers, œufs, jambon blanc, poudre de lait, poudre de protéine).
La délivrance des Compléments Nutritionnels Oraux (CNO) :
Les CNO sont des mélanges hyperénergétiques et/ou hyperprotéiques, de différentes formes (boissons, crèmes, jus de fruits, soupes, biscuits, etc.), aux goûts et textures variés.
Leur prescription entre dans la catégorie des dispositifs médicaux.
Réglementation :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038456507
Ils sont prescrits au patient dénutri, lorsque l’alimentation traditionnelle ne suffit pas à couvrir les besoins et en cas d’échec des mesures diététiques (HAS 2021).
Le pharmacien peut, sans avis médical (même si celui-ci est recommandé), conseiller l’introduction de CNO entre les repas de façon à apporter, en plus de l’alimentation, environ 400 kcal et 30g de protéines par jour.
Le pharmacien joue un rôle central dans la délivrance des CNO. Il prend en compte les éventuels troubles de la déglutition et les goûts des patients pour obtenir leur adhésion.
La prescription initiale des CNO par le médecin est limitée à un mois maximum.
La première délivrance est limitée à 10 jours de traitement.
A l’issue de cette période, le pharmacien, après avoir évalué l’observance par le patient, adapte si nécessaire, dans les limites des apports prévus par la prescription, le complément prescrit pour la suite de la délivrance.
Les renouvellements de prescription sont effectués par le médecin pour 3 mois maximum après une réévaluation comprenant :
– le poids ;
– l’état nutritionnel ;
– l’évolution de la pathologie ;
– le niveau des apports spontanés par voie orale ;
– la tolérance de la CNO ;
– l’observance de la CNO.
Lors de la délivrance des CNO, le pharmacien a un devoir particulier de conseil et d’accompagnement, pour permettre au patient de bien comprendre l’intérêt thérapeutique du traitement, et assurer une bonne observance.
Aujourd’hui, une large gamme de CNO existe, permettant au pharmacien de répondre aux besoins et envies des patients. Si nécessaire, des alternatives doivent être proposées pour éviter la lassitude et l’abandon du traitement.
Le pharmacien conseille également sur les modalités de consommation : lors de collations (à distance d’au moins 2 h d’un repas) ou pendant les repas (en plus des repas) et sur les conditions de conservation (une fois ouvert, 2h à température ambiante et 24 h au réfrigérateur)
(Re)découvrez le témoignage de Cécile VERHAEGHE, Pharmacienne, sur le BPM et la dispensation de CNO dans le cadre d’une dénutrition : Rôle du pharmacien – bilan partagé de médication et dispensation de compléments nutritionnels oraux
Chez la personne âgée, parallèlement à la prise en charge nutritionnelle, il est recommandé de corriger les facteurs de risque identifiés, en proposant notamment un bilan partagé de médication.